Hans-Christian Günther (Hrsg.)

Augustus und Rom:
2000 Jahre danach

Studia Classica et Mediaevalia Band 9

Rezension


Cette contribution au bimillénaire d'Auguste est nécessairement incomplète et imparfaite. La présentation globale de GÜNTHER (p. 15-43) est assez décevante, faute d'une probématique générale: sur l'apport historique et la dimension "mythique" du "siècle d'Auguste"; sur l'instauration d'un nouveau régime, à analyser en termes synchroniques (l'auteur est obsédé par les interférences avec les catastrophes modernes de la res publica, par le nazisme et le bolchevisme). La création d'une état de droit international, sensible dans la législation augustéenne comme dans la démocratie municipale et provinciale, n'est ni discutée. L'étude de P. FEDELI, "Il programma augusteo nel IV libro delle Elegie di Properzio", prélude à la monumentale édition commentée (p. 47-66), présente bien la thématique du livre, notamment l'interférence entre l'itinéraire symbolique d'Horus à travers la Roma aurea et la topographie lègendaire de l'Urbs - une étiologie des loca inséparable de ses sacra. Les liens avec les problèmes militaires contemporains (p. 54 sqq.) sont certes soulignés, mais il manque un peu une synthèse sur les antinomies de l'impérialisme conquérant: bellecisme indéfini ou géopolitique civilisatrice? (voirle bilan tacitéen). L'Apollinisme augustéen, support mythologique de toutes les politiques culturelles classiques, au XVI. et au XVII. siècle est très simplifié (p. 56-57), met l'idéologie augustéenne n'inspire pas de synthèse rigoureuse: son estétique de la grandeur, solidaire de la Pax Augusta; la reconstruction d'une société fracturée (on notera la prudence louable dans l'analyse des allusions à la législation familiale, p. 60). On appréciera la conclusion de l'auteur, qui insiste longuement in fine sur l'élégie de Cornelia: sur la restauration de la morale "aristocratique" et du mos maiorum, visible en filigrane dans le livre IV.

Le très long article de H.-P. SYNDIKUS, "Das Wesen der augusteischen Dichtung" (p. 67-136), qui part de la fonction sociale du uates, quelque peu simplifiée (p. 68 sqq.), insiste sur le chant des dieux et des héros, et explore bien "la volte-face en direction des formes de la poésie grecque classique"; l'empreinte d'Alcée et de son lyrisme triomphal (l'épître II.2 et l'Ars poetica horatienne) sont évoqués rapidement, pp. 72. Géorgiques et Énéide sont explorées par référence aux sources grecques; l'accent est mis à juste titre sur la mutation "homérique" de l'épopée latine (p. 86 sqq.), chant du destin de Rome, dominé par le fatum. La spécificité des élégiaques est soulignée dans leurs "Vorbilder". Toute une section (III, p. 89 sqq.) étudie avec soin les problèmes de structure, régis par la loi de l'harmonie et de l'équilibre des "Gedichtbücher". Les rubriques suivantes analysent la dimension politique et militaire de la poésie augustéenne (p. 102 sqq.), en sinplifiant le rôle de Mécène et la complexité du débat estétique - les élégiaques, tel le Properce de II.7, étant un peu superficiellement présentés comme des marginaux de la "révolution romaine, voire comme des "critique"". L'article apportera une bonne sythèse sur la romanité et sur le patriotisme italien des évocation, des sites comme de l'étiologie légendaire; on notera aussi la qualité de la synthèse sur la diemension religieuse de la poésie (VIII, p. 121 sqq.), et la discussion méthodique de IX (p. 125 sqq.), sur l'apport sèlectif de la philosophie grecque, et notamment sur l'ouverture, toute relative, d'Horace à la Stoa. On regrettera seulement, pour l'étude des "Odes romaines" d'Horace (p. 131-132), l'aspect partiel des remarques et un certain manque de perspective. L'article de H.-P. GÜNTHER, Augustus und die Dichtung (p. 137 sqq.), diffus, tenté par la digression anachronique (Solomos, p. 142 sqq.; Dostoîevski, etc), sacrifie la sythèse, attendue, sur les conceptions du prince en matière de culture et d'"organisation de l'opinion" - le débat sur le mécénat et les théories de R. SYME restant largement ouvert. Il faudrait déterminer si les images de violence historique et de tragique humain de l'Énéide, fort justement notées, répondent aux curiosités personelles d'Auguste, relevées par Suétone.

Dans la suite du recueil, on appréciera le rigoureux bilan juridique du principat augustéen, Augustus schützt das Recht, de D. LIEBS (p. 163 sqq.). Quasi exhaustif, le travail examine les divers secteurs de la légalité romaine, restaurés par le prince et ses "juristes": droit pénal, intégrant les leges de adulteriis coercendis et de maritandis ordinibus - les dipositios caducaires, d'extension "impériale", étant omises; droit des "personnes", et notamment règles de l'affranchissement; procédure judiciaire... Les actes réglementaires fondés sur l'imperium, comme les édits et la "discipline militaire", sont traités séparément. L'exposé serait plus clair si les "sources du droit" et les ressorts du pouvoir juridictionnel du prince étaient traités en exergue, tout comme les "écoles", bien étudiées p. 203 sqq.; leur apport est équilibré par le "pouvoir arbitraire" du prince (p. 205 sqq.); il est regrettable qu'ici la référence, majeure, à la lex curiata de Vespasien soit confinée dans une note antérieure (p. 167) sur le princeps solutes legibus. Mais, qu'il s'agisse du droit "constitutionel" ou de tout le corpus des leges Juliae, sur le statut des "personnes" comme sur la procédure, toutes les sources du droit sont très bien dépouillées et exploitées. Les grandes "affaires" du règne et ses scandales familiaux sont également analysés dans une perspective juridique. Une seule lacune apparaît dans cette contribution majeure, qui systématiquement la bibliographie francaise et italienne: la remise en ordre légale de l'empire - un empire bilingue et biculturel - et la législation municipale, inséparable de l'intégration romaine.

On attendait une synthèse sur l'oeuvre religieuse d'Auguste. Elle est apportée (p. 217 sqq.) par J. Scheid qui étudie "Auguste et la religion". Il r´cuse, par une analyse précise de la pietas du prince, l'abus du concept de "fonctionnalisme politique" dans la cas d'un "culte public". La religion publique est inséparable de l'entreprise de restauration et du "civisme". J'ajouterais volontiers que l'époque a théorisé la "théologie civile". J. Scheid apporte une mise au point définitive (p. 225 sqq.) sur le "culte impérial": l'analyse des Odes romaines d`Horace confirme cet examen critique. On adhérera à la conclusion selon laquelle "les réformes d'Octavian-Auguste se réduisaient à... des travaux matériels de reconstruction, une remise à l'ordre du jour des obligations religieuses publiques, et des "restaurations", c'est-à-dire des constructions rituelles nouvelles...". Il conviendrait peut-être de se demander si le régime d'Actium n'a pas une lecture "laique" en Occident, et théocratique en Orient: le matériel épigraphique le prouverait. L'iconographie du Prince, dont on connaît les liens avec la propagande, est traitée par A. Stavru au niveau de la "graphikè" de la statue de Prima Porta (p. 243 sqq.): dans la tradition de la statuaire classique et hellénistique, la "cuirasse", interprétée en termes "ecphrastiques" sur la base de Xénophon (Mém. III.10), a aussi la fonction "célébrative" bien connue, que l'auteur n'a pas jugé bon d'approfondir (p.263).

La synthèse sur l'époque augustéenne se termine par deux essais sur la "romanité", sur sa survie philosophique, chez Hegel et chez Heidegger: le siècle d'Auguste n'a pas fixé de manière privilégiée l'attention des deux auteurs.

Le point de vue du lecteur exigeant sera forcément mitigé, ce recueil associant de brillantes synthèses et des contributions mineures.

Jean-Marie André


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