"Un pays riche en belles vues... "
Le pasteur Gustave Koch entame l'édition d'" écrits choisis " de Jean-Frédéric Oberlin. Le tome I er comprend sa correspondance et des écrits complémentaires des 1740 à 1774.
Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826), haute figure du protestantisme alsacien, pasteur pendant an demisiècle au Ban de la Roche, en Haute-Bruche, n'a pas laissé de livres. Mais il écrit, beaucoup écrit, au cours de sa vie: notes, sermons, journal, registres, catalogues - car I'homme avait le goût de la collection et une abondante correspondance. Les écrits d'Oberlin sont aujourd'hui en partie au musée de Waldersbach - incluant son ancien presbytère - à la médiathèque protestante et, depuis la dernière guerre, aux archives de la ville - aujourd'hui de la communauté urbaine - de Strasbourg.
L'idée d'une publication critique de cette correspondance a pris corps au milieu des années 60, autour du Pr Rodolphe Peter (décédé en 1987). Mais les éditions ne furent que partielles : la correspondance avec l'abbé Grégoire (1980) ou avec les Frères moraves. Le pasteur Gustave Koch, aujourd'hui retraité, a repris le flambeau qui vient d'aboutir, chez un éditeur allemand, à un premier tome, couvrant les 34 premières années de la vie d'Oberlin.
Les " conductrice de la tendre jeunesse "
Le pasteur, comme les intellectuels de son temps, passait aisément de l'allemand au francais en fonction de ses interlocuteurs. L'édition respecte ces deux langues, résumant dans l'une les textes rédigés dans l'autre.
L'ouvrage s'ouvre donc avec la chronologie établie par Oberlin lui-même de sa vie qui commence par la mort prématurée de son frère ainé, et se referme quand il renonce à émigrer en Géorgie (États-Unis d'Amérique) pour un poste de pasteur à Ebenezer.
Le lecteur suit donc, année après année, les écrits d'Oberlin eI les lettres de ses correspondants. Gustave Koch aide la lectute d'un index des noms de personne et d'un solide appareil de notes.
La lettre la plus frappante est sans doute celle, datée de 1770, où il décrit sa paroisse à un proche de Jean de Dietrich " Me voilà, Monsieur, confiné dans un pays riche en belles vues, pauvres à tous autres égards. La Providence m'a confié un peuple qui, d'un côté, est sincère, honnête, charitable, généreux, aimant mieux souffrir la plus cruelle misère que de mendier, encore moins de voler, mais qui, de l'autre, est menacé ou plutöt gémit actuellement sous un sort bien dur et marche malgré lui vers la besace " (c'est--dire vers la misère).
Le ton est donné: Oberlin, dans ces écrits, apparait souvent comme l'avocat de ses paroissiens. Mais an y suit aussi ses chantiers, ses préoccupations, l'instauration des " conductrices de la tendre jeunesse " (ancétres des jardins d'enfants ") et. en pointillés, l'élaboration d'une pensée qui s'épanouira dans les années qui suivirent - et dans les tomes qui suivront...
JACQUES FORTIER
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